Apologétique
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Célèbre entretien entre Saint Basile et le préfet du prétoire sous l'empereur Valens

Source : Vies des Pères des déserts d’Orient, R. P. Michel-Ange Marin, Tome VIII, pp. 366-372, 1824.

L’empereur Valens ayant… entrepris la ruine de l’Église catholique en faveur des ariens qui possédaient son esprit et son coeur, crut que la chute ou l’exil des autres évêques ne suffirait pas pour remplir son dessein, tant qu’il ne pourrait pas gagner saint Basile. Il partit de Constantinople dans cette intention, faisant marcher devant lui Modeste, préfet du prétoire, pour préparer les voies à son impiété, et après avoir fait des maux étonnants aux catholiques de la Bithynie et de la Galatie, il entra dans la Cappadoce et arriva à Césarée sur la fin de l’an 371.

Lorsqu’il fut proche de la ville, il s’arrêta, et envoya le préfet à saint Basile pour l’obliger à se soumettre à ses volontés. Modeste le fit donc appeler et lui parla d’abord avec beaucoup de civilité et de douceur, s’il en faut croire Théodoret, et lui représenta qu’il devait céder au temps, et ne pas troubler les Églises pour des questions qu’il appelait de peu d’importance, lui promettant d’ailleurs l’amitié de l’empereur s’il lui obéissait, avec tous les avantages qu’il pouvait s’en promettre tant pour lui que pour ses amis.

Mais saint Basile lui répondit, que ses discours n’étaient bons que pour des enfants, et que les personnes nourries de la parole de Dieu étaient prêtes à souffrir plutôt mille morts que d’abandonner une seule syllabe de la doctrine de l’Église ; qu’il estimait d’ailleurs beaucoup la faveur du prince, pourvu qu’elle ne fît pas tort à la piété et à la foi ; mais que quand elle la blessait il fallait la tenir pour pernicieuse.

Saint Grégoire de Nysse confirme ce que dit Théodoret, que le préfet mêla ensemble les promesses avec les menaces ; mais saint Grégoire de Nazianze, sans s’arrêter au prélude de douceur de Modeste, rapport ainsi ce célèbre entretien.

“On amène, dit-il, le généreux Basile devant le préfet, qui était si animé de colère, que bien des gens n’osaient l’aborder, et Basile se présenta devant lui avec autant de confiance que s’il eût été invité à une fête, et non point obligé de comparaître devant le tribunal d’un juge. Il était également difficile d’exprimer ou la fierté du préfet, ou la fermeté et la sagesse de Basile.

Le préfet transporté de colère se leva de son siège, et prenant un ton plus véhément, lui dit :

Le préfet, surpris de ce discours, dit en se nommant lui-même :

Le préfet frappé de la fermeté inébranlable de saint Basile, cessa de le menacer, et le congédia même avec respect et quelque espèce de soumission. Nous pouvons ajouter à ce récit de S. Grégoire de Nazianze, ce que saint Grégoire de Nysse remarque aussi : savoir, que le préfet lui dit qu’il devait être bien aise de voir un empereur dans son Église au nombre de ses auditeurs, et que le seul mot de consubstantiel qu’il fallait ôter n’était pas considérable pour cela. À quoi le Saint répondit qu’il souhaitait de voir l’empereur dans la véritable foi de l’Église, parce qu’il désirait son salut et celui des autres ; mais que pour ôter ni ajouter quelque chose au symbole, il en était si éloigné, qu’il n’eût pas seulement osé changer l’ordre des paroles.

Enfin il reprit le préfet des maux qu’il avait déjà faits, et l’exhorta à se corriger. Cependant, le préfet, au rapport de Rufin, lui donna le reste de la nuit, qui était déjà à moitié passée, pour délibérer sur ce qu’il avait à faire ; mais le Saint lui répliqua :

Le préfet ne manqua pas d’aller faire plutôt le récit de tout ce qui s’était passé à l’empereur, qu’il rencontra lorsqu’il était près d’entrer dans la ville ; et ce prince, irrité de ce que ce premier effort avait si mail réussi, voulut lui-même assister au combat, dont il chargea Démosthène, intendant de sa table et de sa cuisine, homme très-impudent et par là plus propre à son dessein. Démosthène fit en effet beaucoup de bruit. Le préfet, qui fut aussi présent, parut plus animé qu’auparavant. La colère de l’empereur inspirait la même passion aux assistants, qui croyaient devoir à son autorité cette lâche complaisance. Mais on vit dans cette occasion en saint Basile la vertu et la générosité chrétienne, dit saint Grégoire de Nysse, surmonter l’éclat de la puissance armée de toute sa fureur.

La honte qui revenait au préfet de la résistance de saint Basile le piqua plus vivement, et par un malheureux point d’honneur il voulut revenir à la charge. Il assembla les ministres de la justice, hérauts, sergens, licteurs, comme un appareil formidable pour lui inspirer de la terreur, et il se présenta à lui plus terrible que jamais ; mais ce ne fut que pour ajouter de nouveaux degrés de gloire à celle que le Saint s’était déjà acquise.

Après ce dernier effort, le préfet se trouva forcé de céder. Il vint trouver l’empereur et lui dit en l’abordant :

“Nous sommes vaincus par celui qui gouverne cette Église. C’est un homme au-dessus des menaces, invincible à tous les discours, inébranlable à toutes les persécutions. On peut tenter d’abattre ceux qui ont moins de courage ; mais pour lui il le faut chasser par une violence ouverte, et ne pas s’attendre à le faire céder par des menaces.”

Valens ne voulut point suivre alors ce conseil ; et quoiqu’il fût ennemi du Saint, il ne put s’empêcher de changer sa haine contre lui en admiration de son courage. Il fit cesser les menaces et ne voulut plus qu’on lui fît violence. Mais, dit saint Grégoire de Nazianze, s’il fut dans ce moment comme un fer amolli par le feu, il ne cessa pas d’être de fer. Il estima le Saint, mais il ne voulut pas embrasser sa communion, ayant honte de changer. Il fut pourtant bien aise de trouver quelque voie honnête de réparer ce qu’il avait fait contre lui.

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